Wapikoni avait toujours le nez en l’air.
Elle pestait contre sa tribu et son père,
Contre le vent, la pluie, la terre entière.
Elle était une petite Fleur en colère :
Elle n’était qu’une petite primevère,
Alors qu’elle voulait être forte, ignorant la peur,
Une Namata ne connaissant pas la terreur.
Pourquoi sa mère avait-elle eu peur,
De proposer Lomasi qui signifiait « Jolie fleur » ?
Non ! Elle s’appelait Wapikoni !
Même pas Léotie, « fleur de prairie »,
Juste Wapikoni.
Sa mère disait « ma fleur sans prix ».
Une fleur pousse dans la terre,
Se fait une place entre les pierres,
Luttant contre le vent, la tête en l’air, très fière.
Mais Wapikoni rêvait de vagues et de mer,
De baleine boréale et d’ours polaire.
Elle voulait aller vers la Grande Baie du Nord,
Voir les orques, les renards arctiques et les morses.
Tunkasila disait que la forêt coulait dans ses veines,
Mais Wapikoni n’était que colère et peine !
Tunkasila prit sa main dans la sienne
Et pour la guérir, la conduisit chez le chamane.
Tunkasila expliqua tout au chef Itancan :
Ses rêves, sa colère, ses arcanes.
Wapikoni était un mystère pour son Tunkasila.
Pouvait-on la guérir de cette maladie-là ?
L’homme médecine hésitait : lui faire boire une décoction ?
La placer dans le cercle sacré… mais attention !?
Ou la laisser entreprendre son initiation ?
L’homme médecine trouva beaucoup plus sage
De lui faire faire le grand voyage :
Son esprit à elle, lavé de toute colère,
L’esprit pur des sages d’hier
Pourrait l’accompagner en arrière.
Wapikoni devait boire de l’eau d’herbe sacrée.
Puis arrêter de boire et de manger,
Afin que l’oiseau-tonnerre l’emporte
Dans la maison du ciel jusqu’à la porte
De la Grande Baie du Nord
Pour vivre une expérience très forte.
Wapikoni avait mis ses habits de fête :
Sa robe de peau de cerf était couverte
De piquants de porc-épic, de perles, de franges…
Elle n’avait reçu que des louanges !
Tunkasila avait dit qu’elle était, cette fois
Aussi jolie que l’érythrone des sous-bois.
Wapikoni se sentait belle pour la première fois !
Sûre d’elle, forte comme Namata,
Elle vida sa cuillère de bois et la laissa là.
Wapikoni s’endormit et se retrouva
Dans le monde des brumes, dans l’au-delà,
Emmenée au ciel sur les ailes de l’homme-tonnerre.
Elle voyageait de nuage en nuage sous les éclairs
Et survolait les montagnes, forêts et rivières.
Toute colère avait disparu de son esprit
Parce qu’elle savait qu’elle suivait ses envies.
Quand enfin, Wapikoni ouvrit les yeux,
Elle ne vit qu’une grande étendue bleue.
Au-dessus de la mer, elle voyait les ours et les bélougas.
Au milieu des glaces, l’oiseau-tonnerre la déposa.
Le bélouga l’attendait depuis longtemps déjà.
C’était un cétacé grand et magnifique
Qui lui fit éprouver des choses magiques.
Wapikoni toucha la baleine blanche
Et saisit toutes ses pensées franches.
Wapikoni rentra en communion avec l’animal.
Cette petite fleur qui se sentait toujours si mal…
Différente des autres enfants, à l’écart de la plupart,
Se sentit si bien sous l’eau, aussi à l’aise que le têtard.
Elle agrippa le dos du bélouga et se laissa glisser,
À travers les vagues et les eaux glacées.
Elle était bien loin de ses grandes prairies natales,
Mais elle réalisait son rêve : nager comme le narval
Dans des eaux riches de poissons, de méduses,
Sous les amas de glace loin de la lumière diffuse.