-Eh !!! Toi là-bas !! Coucou ! Tu me vois ? Je suis un petit pois du toit du monde ! Oui, toi… tout en bas ! C’est à toi que je parle ! C’est ça ! Le petit pois du bas. Moi, je suis un pois du toit du monde !
Et toi ? Qui es-tu ?
-Moi ? C’est à moi que tu parles ? Mais je suis un pois.
-Mais un pois de quoi ?
Il y a les petits pois frais du jardin, les pois gourmands, les pois potager, les pois cassés, les mangetout, les pois de conserve, les pois de poussière, les poids sur l’estomac, les pois sur les i, les pois de fin de phrase, les pois d’exclamation, les pois d’interrogation. Et il y a les pois du toit du monde comme moi !
-Alors, tu es un pois savant à ce que je vois ! Tu en connais des pois. Moi, je suis un pois sans éclat et sans mémoire et je ne comprends pas grand-chose à ton histoire !?? Tu voudrais que je sois un pois de quoi ?
-Ah… Si tu es un pois sans mémoire… tu n’es ni un petit pois, ni un pois gourmand parce que eux… se souviennent d’une année sur l’autre qu’ils poussent au jardin !
Nous sommes chez Juan Gris, n’est-ce pas ? Cela te dérange si je descends du soleil du plafond ? J’arrive vers ta nuit. Il fait bien noir chez toi !
-Euh… Ben non, non, ça ne me dérange pas que tu me rejoignes… Vas-y.
Viens… Je me pousse… Il y a encore de la place entre la tasse et le moulin à café !
-Eh ! On a une belle vue ici ! Tasse et moulin à café !… Des mots très exotiques ! Tu peux m’expliquer ce qu’est un moulin à café ?
-Tu poses toujours autant de questions comme ça ? Je comprends que tu saches autant de choses ! Alors un moulin à café… ça sert à moudre le café !
-Moudre ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
-Ben moudre, ça veut dire écraser, réduire en miettes. Le café libère ses arômes quand on l’écrase. Juan Gris, mon maître fait chauffer de l’eau et de la poudre de café. Il filtre ensuite le café et il obtient un breuvage chaud et noir comme la nuit !
-Un breuvage ?
-Oui, ou une boisson si tu préfères ! Il met un sucre dedans et il a l’air de se régaler et de penser à son pays quand il avale du café. Ça le réchauffe et ça lui donne des idées.
-Des idées ??? Pour quoi faire ?
-Ben, des idées de peintre évidemment ! Après ça… Il prend son pinceau et commence un tableau. Il regarde les objets autour de lui et il en peint des morceaux : table, cuillère, pot à café, verre, tasse, nuit, lumière, plafond…
-Juan Gris est peintre ? Mais alors, je sais ce que tu es ! Tu es un pois de peinture ! –Mais oui, c’est ça ! Tu es un pois de peintre ! Un petit pois blanc que Juan Gris ajoute à sa composition. Regarde bien, vous êtes nombreux. Des petits pois de peinture alignés les uns à côté des autres, dans la nuit noire. Seuls la tasse, la cuillère et le moulin à café sont dans la lumière. On sent le bois rugueux de la table, le bois mal poli du tiroir du moulin.
Je suis content d’être descendu du toit du monde pour arriver au soleil de ton plafond !
-Maintenant que je sais ce que je suis, maintenant que je comprends faire partie d’une grande œuvre, d’une peinture… Veux-tu bien me dire ce que tu entends quand tu dis que tu viens du toit du monde ?
-Le toit du monde, c’est là-haut, c’est l’immensité du ciel et bien plus haut encore. Je ne peux descendre que lorsqu’il fait nuit. Je suis une poussière d’étoile. Un pois de nuit. Regarde, elle est là-haut ma mère, cette étoile qui brille de pleins feux !
J’ai la possibilité de descendre chaque nuit, petit pois de lumière nocturne pour éclairer ta nuit !
Et je cherche inlassablement à rencontrer tous les pois de la terre. Cela donne un but à ma vie. Et lorsque je remonte voir ma mère et les pois de lumière qui sont mes frères et sœurs, j’ai pleins d’histoires et d‘aventures à raconter. Cela nous aide à passer le temps dans cette immensité sidérale et dans le noir éternel de la nuit.
Les histoires réchauffent le cœur de ses enfants et réjouissent les longues veillées nocturnes.
-Tu veux bien rester là, être mon ami et réchauffer ma nuit ? demanda le petit pois de peinture. Je crois que j’aime t’entendre me raconter tes aventures de pois d’étoile. Raconte-moi encore tous ces pois du monde qui existent. Toutes ces nuits que tu éclaires de ta lumière. Je me sens moins seul dans cette nuit d’artiste.
Les deux petits pois se serrèrent l’un contre l’autre. Puis ce furent tous les pois de peinture du tableau qui se serrèrent pour écouter le pois d’étoile réchauffer leur nuit. Et ils passèrent une nuit enchantée d’étincelles d’amitié.